Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
Crise de l’assainissement : le moment est venu de parler des solutions
Bekele Geleta
Beaucoup de gens éprouvent une certaine gêne à parler de toilettes, ce qui fait que le sujet reste souvent négligé. Pourtant, s’il semble parfaitement normal à la plupart d’entre nous de disposer d’une salle de bain ou de WC, cela ne va pas du tout de soi pour quelque 2,5 milliards d’habitants de la planète, soit plus d’un tiers de la population mondiale.
Et ce n’est pas qu’une question de dignité, mais un problème qui peut avoir des conséquences désastreuses pour la santé et pour l’environnement. La diarrhée est la seconde cause de mortalité parmi les moins de 5 ans en Afrique subsaharienne. La diarrhée chronique peut aussi entraver le développement des enfants en empêchant l’assimilation d’éléments nutritifs essentiels pour l’organisme, le cerveau et le système immunitaire.
Ces raisons ne justifient-elles pas amplement que nous parlions moins de statistiques et davantage de solutions?
Même dans les zones urbaines où l’accès aux installations et aux services d’assainissement est dans l’ensemble meilleur, il est encore très courant que les toilettes se vident tout simplement dans la rue, voire dans les cours d’eau avoisinants où les habitants puisent leur eau de boisson, avec les effets catastrophiques qu’on peut facilement imaginer pour leur santé.
La mise en oeuvre de systèmes d’assainissement qui fonctionnent pour tous, y compris les plus démunis, et qui préservent l’environnement, représente un énorme défi. La solution ne consiste pas à investir dans des toilettes de type occidental à chasse d’eau ni dans des réseaux d’égouts centralisés, car ces systèmes nécessitent beaucoup trop de terrain, d’énergie et d’eau, sans parler de leur coût élevé de construction et d’entretien.
Les dramatiques insuffisances évoquées ci-dessus peuvent être réduites et il existe déjà des techniques novatrices pour améliorer l’assainissement dans les régions les plus pauvres de la planète. Ceci dit, il s’agit maintenant de dépasser l’approche caritative et développementale conventionnelle et d’ouvrir un sérieux débat sur les économies d’échelle, les méthodes de marketing, le rôle du secteur privé et les systèmes d’assainissement économes en eau et écologiques.
L’investissement dans les installations sanitaires peut être extrêmement rentable. Pour chaque dollar dépensé dans l’alimentation en eau et l’assainissement, il est établi que les bénéfices économiques oscillent entre 5 et 46 dollars.[1]
La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ont soutenu plusieurs projets d’assainissement écologique (eco-san) dans la région Asie et Pacifique. En Chine, par exemple, cette approche a permis en quelques années seulement de faire baisser de 30% l’incidence des maladies diarrhéiques dans le pays le plus peuplé du monde.
Le secteur privé a un rôle crucial à jouer dans ce domaine, mais il est encore trop souvent négligé par les gouvernements et les organismes d’assistance. En dehors de la réponse aux besoins des populations les plus vulnérables, la fourniture de services d’assainissement aux particuliers et communautés qui le souhaitent et qui ont les moyens d’en supporter le coût représente en effet un marché potentiel considérable.
En Côte d’Ivoire, la Croix-Rouge construit des toilettes dans des lieux publics tels que places de marché et gares routières, puis passe des contrats avec des particuliers pour en assurer la gestion et l’entretien sur une base commerciale. Les intéressés savent que, si les installations dont ils ont la charge ne sont pas propres et bien tenues, ils n’auront pas de clients ni, par conséquent, de revenus.
De plus en plus, on constate par ailleurs que le marketing de l’assainissement contribue clairement à faire grimper l’offre et la demande d’installations sanitaires améliorées. Le secteur privé a beaucoup à apporter en termes de nouvelles solutions dans ce domaine et il a la capacité de rendre les produits d’assainissement attrayants pour le consommateur et accessibles au plus grand nombre.
Toutefois, il est toujours vain d’apporter des solutions aux gens sans les associer activement au processus.
En tant que l’un des principaux fournisseurs de services d’alimentation en eau, d’assainissement et d’hygiène dans les situations d’urgence, une de nos activités les plus courantes en la matière consiste, hélas, à remettre en état des systèmes qui ne fonctionnent pas. Les populations sinistrées qui n’avaient pas accès à ce type de services avant la catastrophe sont particulièrement vulnérables; moins familiarisées avec les pratiques élémentaires d’hygiène, elles mettent plus de temps à se remettre sur pied.
Les efforts de mobilisation communautaire et les initiatives visant à faire évoluer les comportements en tenant compte des usages et motivations des gens sont essentiels pour la viabilité à long terme des solutions d’assainissement. Si les gens sont consultés et associés à la construction d’installations sanitaires, ils les valoriseront davantage et en prendront mieux soin. Si on leur apporte les formations adéquates, ils pourront en assurer l’entretien et la réparation lorsque c’est nécessaire. S’ils ont une conscience claire de leurs bénéfices en termes de santé, ils seront davantage enclins à économiser pour bâtir leurs propres toilettes. Travailler avec une communauté pour parvenir à ces résultats exige du temps, des efforts et des moyens.
A l’heure où nous débattons des objectifs du développement au-delà de 2015, nous devons pour notre part être conscients que nous sommes voués à l’échec si nous ne nous attelons pas plus énergiquement à relever durablement les défis de l’assainissement.
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